Page:Durkheim - Les Règles de la méthode sociologique.djvu/54

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ment reconnues[1]. » Aux premières, il donne le nom de sociétés industrielles ; aux secondes, celui de militaires, et on peut dire de cette distinction qu’elle est l’idée mère de sa sociologie.

Mais cette définition initiale énonce comme une chose ce qui n’est qu’une vue de l’esprit. Elle se présente, en effet, comme l’expression d’un fait immédiatement visible et que l’observation suffit à constater, puisqu’elle est formulée dès le début de la science comme un axiome. Et cependant, il est impossible de savoir par une simple inspection si réellement la coopération est le tout de la vie sociale. Une telle affirmation n’est scientifiquement légitime que si l’on a commencé par passer en revue toutes les manifestations de l’existence collective et si l’on a fait voir qu’elles sont toutes des formes diverses de la coopération. C’est donc encore une certaine manière de concevoir la réalité sociale qui se substitue à cette réalité[2]. Ce qui est ainsi défini, ce n’est pas la société, mais l’idée que s’en fait M. Spencer. Et s’il n’éprouve aucun scrupule à procéder ainsi, c’est que, pour lui aussi, la société n’est et ne peut être que la réalisation d’une idée, à savoir de cette idée même de coopération par laquelle il la définit[3]. Il serait aisé de montrer que, dans chacun des problèmes particuliers qu’il aborde, sa méthode reste la même. Aussi, quoiqu’il affecte de procéder empiriquement, comme les faits accumulés dans sa sociologie sont employés à

  1. Sociol., III, 332.
  2. Conception, d’ailleurs, controversable. (V. Division du travail social, II, 2, § 4.)
  3. « La coopération ne saurait donc exister sans société, et c’est le but pour lequel une société existe. » (Principes de Sociol., III, 332.)