Page:Durkheim - Qui a voulu la guerre ?.djvu/10

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cette fois, la catastrophe s’est produite, c’est que ces volontés, ou certaines d’entre elles, ont fléchi. Et alors une question se pose : où s’est produit ce fléchissement ? Quel est le peuple qui a voulu la guerre de préférence à la paix, et pour quelle raison l’a-t-il préférée ?

C’est cette question que nous nous proposons de traiter. Elle s’impose si naturellement à l’attention que chacun, sans doute, l’a déjà résolue pour son propre compte. Seulement, jusqu’à ces derniers temps, il était difficile de se faire, sur ce point, une opinion éclairée et réfléchie ; car nous n’avions, pour nous décider, que des informations trop fragmentaires pour qu’il nous fût possible d’embrasser la crise dans son ensemble et dans la suite de son développement. Aujourd’hui, nous disposons de plusieurs recueils de documents diplomatiques qui, émanés de gouvernements différents, se complètent et se contrôlent mutuellement[1]. S’ils ne nous dévoilent probablement pas encore tous les secrets des chancelleries, ils nous permettent, du moins, de suivre pas à pas la série des pourparlers qui ont rempli l’angoissante semaine au cours de laquelle a été joué le sort de l’Europe. Nous pouvons ainsi y distinguer des périodes successives, chercher, à chacune de ces étapes, ce qui a été fait pour et contre la paix, d’où sont venues les tentatives de conciliation et d’où les résistances tacites ou avouées. Cet inventaire achevé, il devient possible d’établir le bilan moral des différents acteurs du drame et de déterminer, par suite, la part de responsabilité qui revient à chacun. Tel est l’objet et tel est le plan de l’étude qu’on va lire.

Cette étude est d’autant plus nécessaire que le Gouverne-

  1. Nous avons cinq recueils de ce genre : le livre russe, connu sous le nom de Livre Orange (désormais L. O.), le livre français ou Livre Jaune (L. J.). le livre belge ou Livre Gris (L. G.), le livre allemand ou Livre Blanc (L. B.), enfin celui que le Gouvernement anglais a publié sous le titre de Correspondance du Gouvernement britannique relative à la Crise européenne, que nous désignerons par l’abréviation Cor. B. Pendant que notre travail était sous presse, a paru le livre serbe ; mais il n’ajoute rien d’important aux précédents.