Page:Durkheim - Qui a voulu la guerre ?.djvu/15

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renoncer à toute indépendance. Non seulement on humiliait gravement la Serbie en l’obligeant à faire publiquement amende honorable, et dans des termes qu’elle ne pouvait même pas discuter, mais de plus, en lui imposant dans une enquête judiciaire et dans son action administrative la collaboration de fonctionnaires étrangers, on empiétait sur sa souveraineté ; on la traitait comme une vassale de l’Autriche. Le ton même de la note semblait destiné à froisser l’État auquel on s’adressait et à rendre ainsi la soumission plus difficile. Quoi de plus offensant que la brièveté du délai qu’on accordait aux réflexions de la Serbie ? C’était poser en principe que les résultats de l’enquête autrichienne, bien qu’elle eût été unilatérale et singulièrement sommaire, ne pouvaient pas être mis en discussion[1].

D’autre part, la date choisie, la procédure adoptée, tout paraît bien prouver que l’on tenait à prévenir toute intervention en faveur de la paix. L’optimisme que l’Autriche officielle professait au dernier moment, et que l’événement devait si vite démentir, avait fini par endormir la défiance même des États les plus intéressés à suivre de près cette affaire. Sur les assurances formelles qui lui avaient été données, l’ambassadeur de Russie à Vienne venait de partir en congé[2]. Le président Poincaré, accompagné de M. Viviani, Ministre des Affaires étrangères, était en voyage dans les capitales du Nord[3]. Le ministre de France était absent de Belgrade pour cause de maladie. Les diplomates de la Triple-Entente ne pouvaient donc pas facilement se concerter pour s’interposer entre les deux adversaires. D’ailleurs, on ne leur en laissait pas le temps. L’ultimatum ne fut communiqué aux Puissances que le 24 juillet, le lendemain du jour où il avait été remis à Belgrade. Il ne leur restait donc qu’un peu plus de vingt-quatre heures pour prévenir la rupture.

  1. Nous négligeons complètement la question de savoir ce que valaient les allégations de l’Autriche : elles ont eu trop peu d’influences sur la suite des événements.
  2. L. J., no 18.
  3. L. J., no 25.