Page:Durkheim - Qui a voulu la guerre ?.djvu/32

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tenait sa position, sans d’ailleurs la justifier. Le 27 juillet, il eut avec M. J. Cambon, sur ce même sujet, une conversation qui prit, à un moment, un tour pathétique. Comme il répétait une fois de plus qu’on ne pouvait « instituer une conférence pour traiter des affaires de l’Autriche et de la Russie », M. Gambon se récria. La proposition de Sir Ed. Grey, dit-il, dépasse une simple question de forme. Ce qui importe, c’est d’associer l’Angleterre, la France, l’Allemagne et l’Italie « dans une œuvre de paix » ; cette association, une fois formée, pourrait « se manifester par des démarches communes à Vienne et à Saint-Pétersbourg », et ce serait d’un bel et salutaire exemple que les deux groupes d’alliance, au lieu de s’opposer perpétuellement l’un à l’autre, agissent d’un commun accord pour empêcher le conflit : on verrait ainsi qu’il existe réellement un esprit européen. Mais M. de Jagow se dérobait en formules évasives : il alléguait ses engagements envers l’Autriche ; il prétendait n’avoir pas encore lu le texte de la réponse serbe que toute l’Europe pourtant connaissait (on était au 27 juillet). Alors, las et, sans doute, irrité de ces réponses obscures et fuyantes, M. Cambon demande brusquement à son interlocuteur « si l’Allemagne voulait la guerre ». Et comme ce dernier protestait vivement de ses bonnes intentions, « il faut donc, reprend l’ambassadeur français, agir en conséquence. Quand vous lirez la réponse serbe, pesez-en les termes avec votre conscience, je vous en prie au nom de l’humanité, et n’assumez pas personnellement une part de responsabilité dans les catastrophes que vous laissez préparer »[1]. L’appel resta sans écho.

La proposition russe n’eut pas une meilleure fortune. Le Gouvernement allemand avait déclaré à plusieurs reprises qu’elle avait ses préférences ; et, en effet, il n’avait aucune raison de s’y opposer puisqu’elle n’engageait aucunement l’Allemagne[2]. Mais quand on lui demanda de l’appuyer à

  1. L. J., no 74.
  2. L. J., no 74 ; L. O., no 49.