Page:Durkheim - Qui a voulu la guerre ?.djvu/62

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du Gouvernement allemand sur le caractère « très sérieux » des avertissements qu’il lui donnait et, écartant par avance les reproches qui lui sont adressés aujourd’hui, il avait ajouté que, après des explications aussi nettes, on ne serait pas fondé à l’accuser un jour d’avoir trompé l’Allemagne par un langage équivoque[1]. Malheureusement, la diplomatie allemande manque trop souvent de sens psychologique : elle ne sait pas voir ce qui se passe dans l’âme des individus ou des nations, elle ne se rend pas compte des mobiles qui les mènent, surtout quand ces mobiles sont complexes et délicats. Il en résulte qu’elle prévoit mal ce que sera leur conduite. Aujourd’hui, elle se venge, par des accusations sans fondement, d’une méprise dont elle est seule coupable[2].

L’attitude de la Russie n’a pas été moins pacifique que celle de l’Angleterre et de la France. Sans doute, la Russie ne pouvait consentir à se désintéresser du sort de la Serbie. Mais, sous cette réserve qu’elle ne pouvait laisser porter atteinte ni au territoire ni à la souveraineté de la Serbie, elle se montra prête à accepter toutes les transactions. Elle admettait que des garanties pouvaient être demandées au Gouvernement serbe qui, d’ailleurs, ne les refusait pas. Elle poussa l’esprit de modération jusqu’à s’interdire toute décision grave même après que l’Autriche eut déclaré la guerre à la Serbie. Elle s’associa à toutes les tentatives de conciliation, elle en proposa plusieurs, déclarant qu’elle se ralliait

  1. Cor. B., nos 125, 101.
  2. Nous ne disons rien d’un reproche nouveau récemment adressé par M. de Bethmann-Hollweg à l’Angleterre. C’est sur celle-ci que retomberait la responsabilité interne de la guerre, parce « qu’elle aurait pu la prévenir en faisant savoir tout de suite à Pétersbourg qu’elle ne laisserait pas le conflit prendre les proportions d’une guerre européenne ». En d’autres termes, pour assurer la paix, l’Angleterre n’avait qu’à contester à la Russie le droit d’intervenir, c’est-à-dire à adopter le point de vue allemand qu’elle jugeait injustifiable. Ces paroles du Chancelier sont d’une extraordinaire inconscience. De plus, comment l’Angleterre aurait-elle pu obliger la Russie à s’abstenir, si celle-ci avait refusé de céder à cette injonction ? Serait-ce en s’alliant à l’Allemagne ?