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décomposés, nous dûmes conclure que tout le monde à bord était mort de la fièvre jaune ou de quelque autre violent fléau d’espèce analogue. Si tel était le cas (et en dehors de cela, je ne sais vraiment qu’imaginer), la mort, à en juger par la position des corps, avait dû les surprendre d’une façon tout à fait soudaine et accablante, d’une manière absolument distincte de celle qui caractérise même les pestes les plus mortelles avec lesquelles l’humanité a pu jusqu’ici se familiariser. Dans le fait, il se peut qu’un poison, introduit accidentellement dans quelqu’une des provisions du bord, ait amené ce désastre ; peut-être avaient-ils mangé de quelque poisson inconnu, d’une espèce venimeuse, ou d’oiseau océanique ou de tout autre animal marin, que sais-je ? — mais il est absolument superflu de former des conjectures sur un cas qui est enveloppé tout entier, et qui restera sans doute éternellement enveloppé dans le plus effrayant et le plus insondable mystère.

XI

LA BOUTEILLE DE PORTO.

Nous passâmes le reste de la journée dans un état de léthargie stupide, regardant toujours le navire, jusqu’au moment où les ténèbres, le dérobant à notre vue, nous rendirent pour ainsi dire à nous-mêmes. Les angoisses de la faim et de la soif nous reprirent alors, absorbant tous autres soucis et considérations. Il n’y avait toutefois rien