Page:Edgar Poe Arthur Gordon Pym.djvu/61

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tention de se soumettre ; et, montant un à un, ils furent garrottés et jetés sur le dos avec les six premiers, — en tout vingt-sept hommes d’équipage qui n’avaient pas pris part à la révolte.

Une épouvantable boucherie s’ensuivit. Les matelots garrottés furent traînés vers le passavant. Là le coq se tenait avec une hache, frappant chaque victime à la tête au moment où les autres bandits la lui poussaient par-dessus le bord. Vingt-deux périrent de cette manière, et Auguste se considérait lui-même comme perdu, se figurant à chaque instant que son tour allait venir. Mais il paraît que les misérables étaient ou trop fatigués ou peut-être un peu dégoûtés de leur sanglante besogne ; car les quatre derniers prisonniers, avec mon ami qui avait été jeté sur le pont comme les autres, furent épargnés pour le présent, pendant que le second envoyait en bas chercher du rhum, et toute la bande assassine commença une fête d’ivrognes qui dura jusqu’au coucher du soleil. Ils se mirent alors à se disputer relativement au sort des survivants, qui étaient couchés à quatre pas d’eux tout au plus, et qui ne pouvaient pas perdre un seul mot de la discussion. Sur quelques-uns des mutins la liqueur semblait avoir produit un effet adoucissant ; car quelques voix s’élevèrent pour relâcher complètement les prisonniers, à la condition qu’ils se joindraient à la révolte et qu’ils accepteraient leur part des profits. Cependant le coq nègre (qui, à tous égards, était un parfait démon, et qui semblait exercer autant d’influence, si ce n’est plus, que le second lui-même) ne voulait entendre aucune proposition de cette espèce et se