Page:Elder - Le Peuple de la mer.djvu/203

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Et Bernard haussant les épaules tandis qu’on riait de l’ivrogne, se détournait en déclamant :

— V’là où mène la boisson !

Tonnerre a de la barbe dans le cou, dans les oreilles et jusqu’aux yeux, une barbe inculte et blanche d’où pointe un brûle-gueule, un nez cramoisi et deux prunelles aiguës qui font peur. À l’ordinaire couvert de guenilles, il revêt les jours fériés un maillot net sur lequel sont cousus tant de médailles qu’il en a jusqu’au ventre. Ces jours-là il marche dans un tintement glorieux et on l’admire.

Tonnerre était revenu au pays, comme les vieilles bêtes qui retournent crever à leur berceau, un peu après la mort du vieux Piron, ce qui fit dire :

— Un fou remplace l’autre ; on n’a pas fini de rigoler !

Baigneur à Saint-Marc, puis à Préfailles, Tonnerre comptait cent-trente sauvetages et il se vantait orgueilleusement, par aphorismes.

— J’ai sauvé pus d’ gars que dix femmes n’en feraient !

— Quand Tonnerre est à l’eau, les vagues reculent !

— J’ fais peur à la mort !

Il s’achevait dans une masure, avec une pension dérisoire, partageant son existence entre l’eau-de-