Page:Emerson - Société et solitude, trad. Dugard.djvu/19

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journée de travail d’un Irlandais sur la voie ferrée. On dit que le présent et l’avenir sont toujours des rivaux. L’énergie vitale constitue le pouvoir du présent, et ses hauts faits sont comme la structure d’une pyramide. Leur résultat, c’est un lord, un général, un joyeux compagnon. En face d’eux, comme la Mémoire avec son sac de cuir paraît un mendiant vulgaire ! Mais cette ardeur géniale se trouve en toutes les natures à l’état latent, et ne se dégage qu’au contact de la société. Bacon disait au sujet des manières : « Pour les acquérir, il suffit de ne pas les mépriser ; » de même, nous disons de cette force vitale qu’elle est le produit spontané de la santé et de l’habitude du monde. « Pour ce qui est de la tenue, les hommes se l’apprennent mutuellement, comme ils prennent la maladie les uns des autres. »

Mais les gens doivent être pris à très petites doses. Si la solitude est orgueilleuse, la société est vulgaire. Dans le monde, les capacités supérieures de l’individu sont considérées comme choses qui disqualifient. La sympathie nous abaisse aussi facilement qu’elle nous élève. Je connais tant d’hommes que la sympathie a dégradés, des hommes ayant des vues natives assez hautes, mais liés par des rapports trop affectueux aux personnes grossières qui les entouraient ! Les hommes n’arrivent pas à s’unir par leurs mérites, mais s’ajustent les uns aux autres par leurs infériorités — par leur amour du bavardage, ou par simple tolérance ou bonté animale. Ils troublent et font fuir l’être qui a de hautes aspirations.

Le remède consiste à fortifier chacune de ces dispositions par l’autre. La conversation ne nous cor-