Page:Emile Zola - La Conquête de Plassans.djvu/256

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XVII


La santé de Marthe causait des inquiétudes au docteur Porquier. Il gardait son sourire affable, la traitait en médecin de la belle société, pour lequel la maladie n’existait jamais, et qui donnait une consultation comme une couturière essaye une robe ; mais certain pli de ses lèvres disait que « la chère madame » n’avait pas seulement une légère toux de sang, ainsi qu’il le lui persuadait. Dans les beaux jours, il lui conseilla de se distraire, de faire des promenades en voiture, sans se fatiguer pourtant. Alors, Marthe, qui était prise de plus en plus d’une angoisse vague, d’un besoin d’occuper ses impatiences nerveuses, organisa des promenades aux villages voisins. Deux fois par semaine, elle partait après le déjeuner, dans une vieille calèche repeinte, que lui louait un carrossier de Plassans ; elle allait à deux ou trois lieues, de façon à être de retour vers six heures. Son rêve caressé était d’emmener avec elle l’abbé Faujas ; elle n’avait même consenti à suivre l’ordonnance du docteur que dans cet espoir ; mais l’abbé, sans refuser nettement, se