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ESCRIME, Contenant quatorze Planches.

CEt art est entierement tiré d’un traité d’escrime publié récemment à Londres par M. Angelo. Nous lui devons le discours & les Planches. Si nous eussions connu quelque chose de plus parfait en ce genre, nous nous en serions servis. Ce qui nous convient, nous le prenons partout où nous le trouvons; en revanche nous abandonnons notre travail à ceux qui voudront en disposer utilement.

Dès que les Goths eurent introduit la coutume des combats singuliers, il devint d’une nécessité indispensable de savoir manier les armes. On en fit un art qu’on soumit à des regles, & il s’établit des académies où l’on instruisit la jeunesse de la maniere d’attaquer & de se défendre.

L’epée, qui a remplacé chez les modernes les armes anciennes, a fait naître le jeu de la pointe. C’est ce qu’on appelle l’escrime; elle fait avec raison partie de l’éducation d’un jeune homme de famille, lui inspire de la confiance & du courage, augmente sa force, lui donne de la grace, de l’agilité, de l’adresse, & le dispose en même tems à toutes sortes d’éxercices.

Cet art, dont on a porté la pratique à un si haut degré de perfection, est encore dans l’enfance par rapport à la théorie. Plusieurs maîtres françois & italiens ont publié quelques réflexions sur cette matiére, mais ils ne se sont pas assez étendus sur ce qu’elle a d’intéressant. C’est ce qui a engagé M. Angelo à composer son cours d’escrime, & à le donner au public.

Il y explique, d’une maniere simple & claire, les principes & les règles de l’art de faire des armes; il donne un détail circonstancié des différentes attitudes du corps & des divers mouvemens de la main, des bras, des jambes; il y ajoute des réflexions & des recherches, au moyen desquelles la théorie & la pratique s’éclairant mutuellement, montrent l’art dans ses effets. Voilà l’idée de son livre.

Maniere de monter une épée.

Lorsqu’on fait monter une épée, il ne faut pas faire limer la soie de la lame; car c’est de cette partie que dépend la fermeté d’une épée. Si la soie se trouvoit plus grosse qu’à l’ordinaire, il faudroit faire ouvrir & limer le dedans du corps de la garde & du trou du pommeau, & enfoncer avec un marteau des éclisses de bois dans les vuides de la monture de l’epée; le pommeau & le bouton doivent être de deux pieces. Ledit bouton doit entrer à vis dans le pommeau & faire cinq tours de la soie qui doit passer à-travers le bouton. Battre le bout de la soie avec un marteau, la réduire en pointe de diamant sans se servir de lime. Cette méthode est la meilleure; je la recommande à tout homme d’épée. Elle est aussi très-utile pour les sabres ou demi espadons. Il faut aussi que la garde de l’épée porte juste sur l’assiette du talon de la lame, laquelle doit baisser un peu sur les doigts de la main, & le corps de la garde doit être tourné un peu en quarte. Cette maniere de monter une épée donne de la facilité pour dégager, & de la liberté pour tirer les coups d’armes.

Du choix d’une lame d’épée & de sa longueur.

Il paroît nécessaire, avant de donner les regles de se servir d’une épée, d’enseigner non seulement la maniere de la bien monter, mais aussi celle de choisir une lame; car avec une mauvaise épée dans la main, quelque courageux & adroit que l’on soit, on court risque de se trouver dans un grand embarras. Les uns se servent de lame plate & les autres de lame vuidée. Quelque soin que l’on prenne pour bien montrer une lame plate & de donner aslez de pesanteur à la garde pour rendre la pointe légere, on la trouvera toujours pesante à la main. Conséquemment il est difficile de faire les opérations qui dépendent de la pointe. Je conseillerai de choisir une lame plate pour l’armée, soit à pié soit à cheval; & pour une affaire particuliere, une lame vuidée tant à cause de la légereté que de la facilité qu’on a à la manier & à s’en servir.

On doit proportionner son épée à sa taille, & la plus longue ne doit pas excéder la longueur de 38 pouces, depuis le bouton du pommeau jusqu’à la pointe. C’est une erreur de croire qu’il y ait de l’avantage à se servir d’une longue épée, puisque si un adversaire déterminé & adroit gagne le fer, en serrant la mesure, il seroit très-difficile avec une longue épée de débarrasser sa pointe sans racourcir le bras; & dans ce tems-là celui qui auroit une épée courte auroit l’avantage & seroit en état d’en profiter.

Il faut faire attention en choisissant une lame, qu’il n’y ait aucune paille. Les pailles ressemblent à des petites taches noires & sont creuses. Les unes se trouvent en travers de la lame & d’autres en long. Les premieres font casser les lames le plus aisément.

On juge de la trempe d’une lame par le pli qu’elle fait, lorqu’on appuie la pointe contre une porte ou contre un mur. C’est un grand défaut lorsqu’elle plie vers la pointe. Une bonne lame doit former un demi-cercle depuis la pointe jusqu’à peu près un pié de la garde & se remettre d’elle-même sans être faussée. Si elle reste un peu faussée, c’est une marque que la trempe est trop douce. Quoique ce soit un défaut, ces lamés se cassent rarement.

Celles qui ne plient pas du-tout ou qu’on a beaucoup de peine à faire plier, sont ordinairement d’une trempe aigre & se cassent aisément.

Pour connoître le fort & le foible de la lame.

Il n’y a qu’un fort & qu’un foible dans la lame d’une épée, tant au-dedans qu’au-dehors des armes. Le fort est le tranchant de la lame depuis la garde jusqu’au milieu où le foible commence, qui finit à la pointe. On ne peut trop s’appliquer à bien connoître le fort & le foible d’une épée, puisque c’est de ces deux articles que dépend l’exécution de tous les faits d’armes.


PLANCHE Iere. Premiere position pour tirer l’épée.

Fig. 1. Il faut être droit sur ses jambes, effacer le corps, avoir la tête haute & aisée, regarder en face son adversaire, tenir le bras droit pendant le long de la cuisse droite, le bras gauche un peu plié le long de la hanche gauche, le talon gauche près de la pointe du pié droit, la pointe du pié droit sur la ligne du genou, & de l’adversaire, & de la main gauche tenant l’épée à l’endroit du crochet, se présenter pour la tirer.

Dans cette position, fixant les yeux sur son adversaire, il faut arrondir le bras droit, le lever à la hauteur de l’épaule, porter la main sur la poignée de l’épée, la serrer bien près avec les quatre doigts & le pouce, tourner les ongles du côté de la ceinture, tirer l’épée en haussant la main sur la ligne de l’épaule gauche, faire un demi cercle de la lame par-dessus la tete & avec vivacité, présenter la pointe vis-à-vis de son adversaire. La pointe de l’épée ne doit pas être plus haute que son visage, ni plus basse que la derniere côte; tenant le bras tendu, sans roideur dans le coude & dans le poignet, en présentant ainsi la pointe, il faut lever le bras gauche en demi-cercle à la hauteur de l’oreille, & bien effacer l’épaule gauche, afin que le corps soit éxactement de profil, chose à laquelle on doit faire grande attention.