Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/12

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sociétés peuvent être conjurés. Tout homme est exposé à la douleur ; mais on croit que s’il est des souffrances auxquelles la société ne peut rien, la plupart des autres trouvent leur cause directe ou indirecte dans quelque vice de sa structure ou de son fonctionnement, et on estime qu’elle est responsable de celles-ci, puisqu’elle pouvait — ce semble — éviter ou corriger ces défectuosités. La suppression du mal social, voilà le problème essentiel de l’Économie sociale. Elle porte ce nom parce que la plus abondante source des maux dont nous venons de parler est la pauvreté et que le problème a d’abord été agité par les économistes comme se rattachant à la question de la répartition des richesses. Mais on s’accorde de plus en plus à reconnaître qu’il est plus politique et moral qu’économique. Il soulève des débats qui dépassent l’horizon de l’art de l’enrichissement public. D’abord la science peut-elle à coup sûr guérir les maux de cette sorte ? Ensuite dans quelle mesure ces maux sont-ils guérissables par l’action de l’État ? Que peut l’État pour atténuer les souffrances des hommes et particulièrement celles qui sont imputables à la misère ? Une organisation sociale est-elle possible, qui assure à tous ses membres l’égalité non seulement des droits, mais des jouissances ? La société tout entière n’est-elle que la somme d’une multitude de conventions analogues à celle de deux contractants dans un marché qui doivent toujours pouvoir, l’un garder son argent et l’autre refuser sa marchandise, pour que la convention soit juste ? Est-elle en d’autres termes l’œuvre arbitraire et artificielle de volontés qui la modifient à leur guise comme elles l’ont construite, ou bien est-elle un organisme où les relations des individus se trouvent déterminées par un jeu de forces naturelles partiellement conscientes ? On est amené par là à se demander : quelle est la destination de l’État et celle de l’individu ? L’État doit-il avant tout rendre heu-