Page:Espinas - La Philosophie sociale du XVIIIe siècle et la Révolution.djvu/29

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

moyen ne peut réussir que si la discussion est suffisamment prolongée et si elle permet ainsi aux causes qui inculquent dans les volontés les règles sociales d’exercer simultanément leur empire. Parmi ces causes indiquons : la sympathie, que nous avons montrée à l’œuvre même chez les animaux, l’exemple, si bien étudié par notre ami Tarde, le prestige de l’âge, de la situation ou du succès, l’action en un mot de toutes les autorités. Ainsi seulement la velléité nouvelle que la discussion aura fait naître pourra se changer avec le temps en une conviction pratique et engendrer des séries d’actes conformes à un type social d’action différent.

Peu à peu les diverses règles qui dominent dans une conscience, qu’il s’agisse d’une conscience collective ou d’une conscience individuelle, subissent ainsi des réarrangements. Mais ce n’est pas la logique qui préside à leur accord. Des règles très différentes, souvent même opposées, peuvent coexister dans la même conscience. Elles ne s’organisent pas moins les unes avec les autres ; ou bien elles se partagent le champ de l’action pour y produire d’heureuses inconséquences, ou bien leurs sollicitations en sens divers entraînent le vouloir vers une direction unique résultant de la composition des forces contraires ; la plus puissante entraîne les autres, mais non sans en subir l’effet. Il arrive ainsi que les éléments de l’action les plus opposés se concilient et même se corroborent, car l’action est une adaptation constante et tandis que la recherche du juste milieu vicie et déshonore la spéculation, c’est une nécessité de la pratique que de fuir les extrêmes. On n’est radical que parce que l’on confond les deux ordres. Ainsi équilibrées, les règles pratiques paraissent liées les unes aux autres logiquement ; en réalité, leur connexion est organique et elles ne se déduisent pas plus les unes des autres que la circulation de la nutrition