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tous. L’autre lie entre elles les volontés quelles qu’elles soient, en tant seulement qu’elles sont des volontés humaines : c’est la morale universelle, qui correspond à la notion d’une société universelle entre tous les êtres raisonnables.

Exposons la première série de règles pratiques. Par elle, les individus d’un groupe social donné, issu de l’établissement d’une population humaine sur une portion du sol, unis pour le travail indispensable à leur subsistance sous des conditions historiques, se trouvent nécessairement obligés de supporter ces conditions, s’ils veulent que le groupe subsiste, et ils le veulent non sans raison, mais sans raisons explicites et distinctes. L’occupation première et depuis, toutes les occupations accidentelles résultant de chances diverses ont dû recevoir dans cette nation la sanction légale. Son organisation, produit de la nature, portera à jamais la trace des fatalités naturelles ; mais, en revanche, c’est à ce prix qu’elle existe comme corps social, toute organisation supposant une subordination et la subordination voulant l’inégalité qui ne peut être maintenue sans quelque contrainte. Ainsi les tâches se distribuent. La plupart sont ingrates, et, n’était la pression du besoin, si on avait le choix, seraient peut-être refusées. La question ne se pose pas même : c’est un fait que les vocations les plus humbles sont toujours accompagnées de quelque enthousiasme. L’hérédité, l’éducation, l’accoutumance font le reste et les tâches rudes[1] n’excluent pas plus la gaîté et la joie de vivre que les autres. Leur exécution exige presque toujours une subor-

  1. On s’apitoye exclusivement sur les métiers où les muscles sont en jeu, et l’on ne voit pas que les professions sédentaires, surtout quand elles exigent un effort d’attention soit continu, soit intermittent, mais intense, ne sont pas moins redoutables pour la santé, qui est le plus grand des intérêts. L’imprimeur, l’employé, l’instituteur, le savant ne risquent pas moins de ce côté que le laboureur et le maçon. Tout travail est une dépense organique.