Page:Faguet - Le Pacifisme.djvu/23

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alors que toutes ses inventions nouvelles sont parfaitement inutiles pour son bonheur ; de même, parce qu’il a vécu, des centaines de siècles, peut-être, dans une angoisse perpétuelle, il vit encore en cette angoisse et se persuade qu’il n’est jamais assez fort ni assez garanti.

De là sa manie de voir des ennemis partout et partout des ennemis si redoutables qu’on ne saurait prendre trop de précautions à leur endroit :

« Cet homme ne pense pas comme moi.

— Qu’est-ce que cela vous fait ? dit la sagesse.

— Mais s’il ne pense pas comme moi, il peut être un ennemi, comme s’il parlait une autre langue, comme s’il était d’un autre pays.

— Pourquoi ?

— Parce que différence engendre haine, et à me voir penser d’une autre façon que lui, il va me haïr et m’attaquer.

— Pourquoi vous haïrait-il ?

— Parce qu’à le voir penser d’une autre façon que moi, moi je le hais. »

Cercle vicieux qui naît de la défiance toujours en éveil, laquelle est née de l’inquiétude primitive, laquelle est née de dangers trop réels. Les dangers primitifs ont créé l’inquiétude éternelle qui voit des périls quand il n’y en a plus et qui à les voir les crée, ce qui fait qu’il y en a en effet, de quoi