Page:Fagus - Respecte ta main, 1905.djvu/14

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ou Marthe « qui garda la meilleure part » : tout le monde peut être un brave homme, et c’est beaucoup ; tout un chacun a son génie, tout un chacun a sa main.

Eritis similes Deo : vous serez semblables à Dieu, insinuait le serpent Satan aux premiers humains ; et il leur désignait l’arbre de la Science. Vous ne serez pas semblables à Dieu, mais vous serez Dieu même, et vous l’êtes déjà, rétorqua le Christ ; vous l’êtes si vous voulez à force d’amour. Or, toute science est amour. En effet, je veux une nouvelle fois redire cette banalité : nous n’apprenons rien que ce dont en nous se débattait déjà le germe, et si Pascal comme on prétend se réinventa seul la géométrie, c’est qu’il naquit géomètre. Or, qu’est l’amour, au grand sens catholique, au grand sens éternel, sinon cet élan que j’évoquais au début, élan de tout notre être, vers — qu’il l’appelle Dieu, l’infini, la Vérité, les forces inconnues, qu’importe ? — vers ce centre insaisissable de la sublime sphère dont il est comme un rayon perdu ? Qu’est l’amour, sinon la suprême connaissance ? aimer quelqu’un déjà au sens sentimental et au sens sexuel, c’est éprouver le besoin de se fondre en lui, ne faire qu’un avec lui et pourquoi, parce que le système vibrant que nous sommes vibre en rapport juste avec son système vibrant ; par l’amour nous connaissons qu’il nous est pareil ; et pareil à quoi : nécessairement à ce qui fait notre originalité, qui est le plus pur de nous-même, l’essence de nous-même, avec notre génie.

Respectons donc notre main, elle est tout notre être, respectons-la, à quelle infime besogne vouée nous semble-t-elle ; il n’est pas de petits ouvrages, il est seulement de mauvais ouvriers.

Ô, respecte ta main, homme, elle fait toute ta noblesse, elle fait ta seule noblesse ; songe à elle constamment, car tout alentour de toi et tout en toi-même, conspire à te l’estropier ! souviens-toi que c’est par elle que tu surmonteras l’ouvrage de toute vie humaine : faire sa statue.

Fais ta statue : tu auras rempli tout ton office sur terre, et, pour conclure sur la parole du stoïcien moderne, et qui, pour avoir si héroïquement respecté sa main, nous laissa une