Page:Fagus - Respecte ta main, 1905.djvu/7

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de sa menuiserie. Hélas ! en cela qui de nous n’est pas ce mauvais menuisier !

Elle répudie toute aristocratie, la démente qui se prétend travailleuse, et soupçonne si peu le noble aristocrate, et authentique, que le menuisier représenterait s’il daignait menuiser ; elle répudie toute aristocratie, la vaniteuse, et s’implante dans la cervelle que des mots, — des mots ! — par cœur appris, inculquent une aristocratie supérieure, et que quelque talent que par ailleurs on enferme, poète, artiste, soldat, manœuvre, qu’importe, ignorer le ménage des participes implique une roture irrémédiable. Elle a honte de sa main, du peu qui lui demeure de main. Grammairiens, numismastes, chinois qu’elle nous fait, nous arrivons à représenter cette humanité de faux instruits, faux ouvriers et faux artistes, faux savants, bavardant avec toute l’autorité d’une ignorance si forcément acquise, sur la toile, sur la pierre ou le marbre, bavardant sur le papier, ou bien dans les beuglants parlementaires.

L’orthographie d’un menuisier c’est la table bien ouvrée, œuvre difficile ; son enseignement secondaire, acquérir le tour de main des menuisiers illustres, nos huchiers d’autrefois ; ses humanités, savoir lorsqu’il le faut, de son billot de chêne sortir une statue.

Oh, un tel effort surmonté rend l’ouvrier de cela autant édifiant que l’écrivain, le constructeur, ces autres ouvriers, produisant un beau livre, une machine admirable.

Et une instruction universelle raisonnable reviendrait à ceci : le pays se sentant le besoin de tant d’agriculteurs, de menuisiers, de grammairiens, de cochers (hé, c’est un art, conduire que de meneurs de chars nous feront périr, et peut-être fort instruits de la règle d’amour et délices !), de politiciens, de soldats (métier, art aussi, et voulant aussi ses années d’apprentissage) — au pays procurer tout cela, en apprenant à chacun son métier et non pas tout hors son métier. Je n’ai point parlé des artistes  : c’est qu’il n’en est point ; tout ouvrier, de la terre, de la parole, de la couleur ou de la pensée, est artiste, tout métier avec amour traité se faisant art. Mais quoi ! il n’est plus d’ouvriers, il n’est plus de mains.