Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/106

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S8 SEBASTIEN CASTELLION· tains hommes — et notre Castellion est de ceux-la — ont dans l’esprit un besoin de netteté et dans Fame un instinct de , ' droiture qui ne leur laisse pas même entrevoir la possibilité de t1·ansiger. Leur intraitable simplicité est faite de beaucoup de générosité et d’un peu d’étroitesse nécessaire : tel est en France le type du calviniste avant Calvin. A un caractère de cette trempe, que fallait—il pour le jeter dans le mouvement? Une occasion, un incident, la rencontre dïune procession devant laquelle il refusait de s’agenouiller, la vue d'un luthérien conduit au supplice, la lecture d’une page de la Bible d’où un mot sort et s`enfonce dans sa conscience comme un fer aigu, le chant d’un de ces psaumes qui furent en France le premier signal de la Réforme, chansons d’abord, hymnes ensuite, puis chants de guerre, et chants de niort. A Lyon abondaient, plus qu’ailleurs, pou1· un humaniste surtout, ces circonstances propres ai hàter le dénouement de la crise. La societé des lettrés tenait de tres pres a celle des imprimeurs, et si l’une était gagnée ala Renaissance, l’autre l’était à la Réforme. C'était presque une corporation savante, et elle occupait un grand nombre d’ouvriers venus ,d`Alle— magne. Un des principaux fondateurs de l’in1primerie a Lyon au ·xv° siecle avait été un_Allemand, Trechsel, dont les fils et le gendre Josse Bade continuaient d’en1ployer des compa- triotes. Les typographes allemands n’étaient pas moins nom- breux chez Sébastien Gryphe, lui—meme originaire de Souabe. Par cette voie, et par les grandes foires, que fréquentaient , régulièrement les libraires de Leipzig, de Francfort, de Stras- bourg, de Bale, il s’établissait une importation continuelle de luthéranisme, qui avait lieu au grand jour et avec un rapide succes. Dès 1524 un arrêt royal bien significatif atteste que « depuis cinq ans e11 ça la secte lutl1é1·ienne pnllule dans la ville et diocese de Lyon »; que le nomb1·e y est grand « des gens desvoyés de l`obédienco de la sainte Eglise »; que de « faulses doctrines y ont été scmées... pa1· certainsilivres réprouvés compillés par ceux de la dite secte ». (Arrêt de · Chantilly, 4 septembre 1524 ‘.) ' 1. Moutarde, Élude historique sur la Réforme d Lyon, p. 20-31. _ · 4