Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/96

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78 SÉBASTIEN CASTELLION. _ nouvelle se répand, et l’effet en est immédiat. Autant l’hésita- l tion du sacerdoce et du pouvoir royal en France avait proüté aux novateurs, autant la ferme et froide résolution de l’Eglise, des qu`elle est connue, va les arreter net. Du moment qu`elle a repris possession d’elle—mème, l’Église est sauvée. C’est un drapeau qu’el]e va lever; il faudra sur—le-cham p ou s’y rallier ou s`en déclarer l’ennemi. Le plus humble, le plus hésitant, le plus timide n’a que le choix, ou de répondre a l’appel en dépit de sa conscience, ou d’y résister au péril de sa vie. En prenant une attitude décidée, l’Église obligeait chacun a la prendre du même coup, pour ou contre elle. Devant cette soudaine mise en demeure, que vont faire nos humanistes? Sans doute il leur plairait mieux de s’en tenir at la Renaissance, de s’enfermer dans ces belles et douces for- mules qui concilient heureusement la piété et la raison, les lettres profanes etles saintes lettres, le culte de la beauté clas- sique et celui de la vérité évangélique. Mais non. C’est trop de vague ou trop d’habileté. Il faut se ranger ài droite ou ai gauche. Dure extrémité, epreuve insupportable a des esprits déja trop éclairés pour 11`avoir pas vu ·la double face des choses, plus prêts il philosopher qu’a dogmatiser, partant mal a l’aise dans un article de foi. Que faire pourtant? Il n’y a plus de milieu. La voie du milieu, cette voie des sages, l’Eglise a pris soin de la fermer, sentant que tout lui échappait par la. Humanistes et lettréshgrammairiens et poètes, devront donc comme les autres se résoudre a l’un des extrêmes : céder ou lutter. Malgré beaucoup d’apparences contraires, il fallait pré- voir que la plupart céderaient, et l’Église y compta, pa1·ce que l’Eglise connaît at fond l’l1omme et le g·ouverne comme elle le connaît. Le catholicisme a cet avantage incomparable de se présenter comme une institution divine, qui ne souffre pas que l'examen l’efIleure, et en même temps de ne pas être une conception tout d'une piece. C’est la plus absolue des religions, et elle n’est pas faite d’absolu. Elle se fonde non sur la raison pure, mais sur la nature humaine prise dans toute sa com- plexité. L’homme, tel que l’Église le voit a l`œuvre depuis tant de siècles, dans tant de races, sous tant de climats, elle le sait avant tout faible : faible par ce qu'il a de mauvais, et faible