Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/79

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et aux arrêts[1], je ferai du « Mont Doré » tout à mon aise, fumant le matin mon brûle-gueule sur les boulevards et le soir mon cigare sur la place Saint-Ouen, et piété à attendre l’heure de la classe au café National. Je n’en travaillerai pas moins bien, même plus, mais je serai moins tiraillé, moins embêté.

J’ai vu, ce matin, le jeune Paul Malheux à qui j’ai demandé toutes les traductions qu’il possédait pour la classe de rhétorique et ses copies de mathématiques.

Je n’ai rien écrit de neuf depuis que tu m’as vu ; j’ai médité, j’ai fait des plans, mais tout cela si vaguement et avec des formes si peu arrêtées que ce n’est pas la peine de t’en parler.

T’ai-je annoncé le mariage, consommé maintenant, de Chéruel avec Madame B*** ? J’espère que cette dernière ne s’est pas fait attendre longtemps […] Chéruel n’a pas voulu que la femme de son ami mourût […] solitaire […] Ô que Molière a eu raison de comparer la femme à un potage, mon cher Ernest. Bien des gens désirent en manger, ils s’y brûlent la gueule, et d’autres viennent après.

J’ai assez caleusé ces vacances et j’ai peu lu d’histoire, pour mieux dire pas du tout ; j’avais même emprunté « à l’homme aux études » le théâtre suédois et italien moderne, dont je n’ai pas ouvert une page. J’ai lu dernièrement l’Uscoque de G. Sand ; tâche de te procurer ce roman et tu verras que cet Uscoque est un homme qui mérite ton estime. Je suis à moitié des Confessions de

  1. Voir Mémoires d’un Fou (Œuvres de jeunesse inédites, I, p. 490).