Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 2.djvu/147

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
141
DE GUSTAVE FLAUBERT.

singulière habileté. À propos de M. de Voltaire, ce que tu me dis sur lui à propos de ta nuit passée à Mauny m’a ému. J’ai habité ce château pendant plusieurs mois, ayant deux ans et demi ; ce sont mes plus vieux souvenirs. Je me rappelle un rond de gazon, avec un maître d’hôtel en habit noir qui passait dessus, de grands arbres, et un long corridor au bout duquel, à gauche, était la chambre où je couchais.

Nous devisons avec des prêtres de toutes les religions. C’est quelquefois réellement beau comme poses et attitudes de gens. Nous faisons faire des traductions de chansons, de contes, de traditions, tout ce qu’il y a de plus populaire et oriental. Nous employons des savants, cela est littéral. Nous avons de bonnes touches, beaucoup d’insolence, énormément de liberté de langage. Le maître d’hôtel chez qui nous sommes trouve même que nous allons quelquefois un peu loin.

Un de ces jours nous allons nous livrer à la visite des sorciers. Toujours dans le but de ces vieux mouvements.

Pauvre cher bougre, j’ai bien envie de t’embrasser. Je serai content quand je reverrai ta figure. Hier, en lisant tes vers, j’ai exagéré mon exagération pour me faire plaisir et m’illusionner, comme si tu étais là.

Va voir souvent ma mère, soutiens-la, écris-lui quand elle sera absente ; la pauvre femme en a besoin. Tu feras là un acte de haut évangélisme, et comme étude tu y verras l’expansion pudique d’une bonne et droite nature. Ah ! pauvre vieux, sans elle et toi, je ne penserais guère à ma patrie, je veux dire à ma maison. Je vois ici de gentils