Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/117

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Et Bouvard commença :

— Que signifiaient, dans la Genèse, « l’abîme qui se rompit » et « les cataractes du ciel » ? Car un abîme ne se rompt pas, et le ciel n’a point de cataractes !

L’abbé ferma les paupières, puis répondit : qu’il fallait distinguer toujours entre le sens et la lettre. Des choses, qui d’abord vous choquent, deviennent légitimes en les approfondissant.

— Très bien ! mais comment expliquer la pluie qui dépassait les plus hautes montagnes, lesquelles mesurent deux lieues ! Y pensez-vous ? deux lieues ! une épaisseur d’eau ayant deux lieues !

Et le maire, survenant, ajouta :

— Saprelotte, quel bain !

— Convenez, dit Bouvard, que Moïse exagère diablement.

Le curé avait lu Bonald, et répliqua :

— J’ignore ses motifs ; c’était, sans doute, pour inspirer un effroi salutaire aux peuples qu’il dirigeait !

— Enfin cette masse d’eau, d’où venait-elle ?

— Que sais-je ! L’air s’était changé en pluie, comme il arrive tous les jours.

Par la porte du jardin, on vit entrer M. Girbal, directeur des contributions, avec le capitaine Heurteaux, propriétaire ; et Beljambe l’aubergiste donnait le bras à Langlois l’épicier, qui marchait péniblement à cause de son catarrhe.

Pécuchet, sans souci d’eux, prit la parole :

— Pardon, monsieur Jeufroy. Le poids de l’atmosphère, la science nous le démontre, est égal à celui d’une masse d’eau qui ferait autour