Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/133

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Bouvard les reçut, et commença la démonstration par le vestibule.

La poutre n’était rien moins que l’ancien gibet de Falaise, d’après le menuisier qui l’avait vendue, lequel tenait ce renseignement de son grand-père.

La grosse chaîne, dans le corridor, provenait des oubliettes du donjon de Torteval. Elle ressemblait, suivant le notaire, aux chaînes des bornes devant les cours d’honneur. Bouvard était convaincu qu’elle servait autrefois à lier les captifs, et il ouvrit la porte de la première chambre.

— Pourquoi toutes ces tuiles ? s’écria Mme Bordin.

— Pour chauffer les étuves ; mais un peu d’ordre, s’il vous plaît. Ceci est un tombeau découvert dans une auberge où on l’employait comme abreuvoir.

Ensuite Bouvard prit les deux urnes pleines d’une terre qui était de la cendre humaine, et il approcha de ses yeux la fiole, afin de montrer par quelle méthode les Romains y versaient des pleurs.

— Mais on ne voit chez vous que des choses lugubres !

Effectivement c’était un peu sérieux pour une dame, et alors il tira d’un carton plusieurs monnaies de cuivre, avec un denier d’argent.

Mme Bordin demanda au notaire quelle somme aujourd’hui cela pourrait valoir.

La cotte de maille qu’il examinait lui échappa des doigts, des anneaux se rompirent. Bouvard dissimula son mécontentement.

Il eut même l’obligeance de décrocher la hallebarde, et, se courbant, levant les bras, battant du