Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/156

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les murs, des quantités de choses absentes, finissaient par les voir, mais ne savaient plus les dates qu’elles représentaient.

D’ailleurs, les dates ne sont pas toujours authentiques. Ils apprirent dans un manuel pour les collèges, que la naissance de Jésus doit être reportée cinq ans plus tôt qu’on ne la met ordinairement ; qu’il y avait chez les Grecs trois manières de compter les Olympiades, et huit chez les Latins de faire commencer l’année. Autant d’occasions pour les méprises, outre celles qui résultent des zodiaques, des ères et des calendriers différents.

Et de l’insouciance des dates, ils passèrent au dédain des faits.

Ce qu’il y a d’important, c’est la philosophie de l’histoire !

Bouvard ne put achever le célèbre discours de Bossuet.

— L’aigle de Meaux est un farceur ! Il oublie la Chine, les Indes et l’Amérique ! mais il a soin de nous apprendre que Théodose était « la joie de l’univers », qu’Abraham « traitait d’égal avec les rois », et que la philosophie des Grecs descend des Hébreux. Sa préoccupation des Hébreux m’agace !

Pécuchet partagea cette opinion, et voulut lui faire lire Vico.

— Comment admettre, objectait Bouvard, que des fables soient plus vraies que les vérités des historiens ?

Pécuchet tâcha d’expliquer les mythes, se perdait dans la Scienza Nuova.

— Nieras-tu le plan de la Providence ?