Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/174

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et podagre, la niaiserie de ses moyens, l’absurdité des confidents.

Ils abordèrent la comédie, qui est l’école des nuances. Il faut disloquer la phrase, souligner les mots, peser les syllabes. Pécuchet n’en put venir à bout et échoua complètement dans Célimène.

Du reste, il trouvait les amoureux bien froids, les raisonneurs assommants, les valets intolérables, Clitandre et Sganarelle aussi faux qu’Égisthe et qu’Agamemnon.

Restait la comédie sérieuse, ou tragédie bourgeoise, celle où l’on voit des pères de famille désolés, des domestiques sauvant leurs maîtres, des richards offrant leur fortune, des couturières innocentes et d’infâmes suborneurs, genre qui se prolonge de Diderot jusqu’à Pixérécourt. Toutes ces pièces prêchant la vertu les choquèrent comme triviales.

Le drame de 1830 les enchanta par son mouvement, sa couleur, sa jeunesse.

Ils ne faisaient guère de différence entre Victor Hugo, Dumas ou Bouchardy, et la diction ne devait plus être pompeuse ou fine, mais lyrique, désordonnée.

Un jour que Bouvard tâchait de faire comprendre à Pécuchet le jeu de Frédérick Lemaître, Mme Bordin se montra tout à coup avec son châle vert et un volume de Pigault-Lebrun qu’elle rapportait, ces messieurs ayant l’obligeance de lui prêter des romans quelquefois.

— Mais continuez !

Car elle était là depuis une minute, et avait plaisir à les entendre.

Ils s’excusèrent. Elle insistait.