Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/176

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La mèche du bonnet rouge s’inclinait amoureusement, et sa voix tremblante, et sa figure bonne conjuraient le cruel de prendre en pitié sa flamme. Pécuchet, en se détournant, haletait pour marquer de l’émotion.

Mme Bordin, immobile, écarquillait les yeux, comme devant les faiseurs de tours ; Mélie écoutait derrière la porte. Gorju, en manches de chemises, les regardait par la fenêtre.

Bouvard entama la seconde tirade. Son jeu exprimait le délire des sens, le remords, le désespoir, et il se précipita sur le glaive idéal de Pécuchet avec tant de violence que, trébuchant dans les cailloux, il faillit tomber par terre.

— Ne faites pas attention ! Puis, Thésée arrive, et elle s’empoisonne !

— Pauvre femme ! dit Mme Bordin.

Ensuite ils la prièrent de leur désigner un morceau.

Le choix l’embarrassait. Elle n’avait vu que trois pièces : Robert le Diable dans la capitale, le Jeune Mari à Rouen, et une autre à Falaise qui était bien amusante et qu’on appelait la Brouette du Vinaigrier.

Enfin Bouvard lui proposa la grande scène de Tartufe, au troisième acte.

Pécuchet crut une explication nécessaire :

— Il faut savoir que Tartufe…

Mme Bordin l’interrompit :

— On sait ce que c’est qu’un Tartufe !

Bouvard eût désiré, pour un certain passage, une robe.

— Je ne vois que la robe de moine, dit Pécuchet.