Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/199

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Sa voix, quand il commandait, était brutale.

— Rentrez les ventres !

Et tout de suite, Bouvard s’empêchant de respirer, creusait son abdomen, tendait la croupe.

— On ne vous dit pas de faire un arc, nom de Dieu !

Pécuchet confondait les files et les rangs, demi-tour à droite, demi-tour à gauche ; mais le plus lamentable était l’instituteur : débile et de taille exiguë, avec un collier de barbe blonde, il chancelait sous le poids de son fusil, dont la baïonnette incommodait ses voisins.

On portait des pantalons de toutes les couleurs, des baudriers crasseux, de vieux habits d’uniforme trop courts, laissant voir la chemise sur les flancs ; et chacun prétendait « n’avoir pas le moyen de faire autrement ». Une souscription fut ouverte pour habiller les plus pauvres. Foureau lésina, tandis que des femmes se signalèrent. Mme Bordin offrit 5 francs, malgré sa haine de la République. M. de Faverges équipa douze hommes et ne manquait pas à la manœuvre. Puis il s’installait chez l’épicier et payait des petits verres au premier venu.

Les puissants alors flagornaient la basse classe. Tout passait après les ouvriers. On briguait l’avantage de leur appartenir. Ils devenaient des nobles.

Ceux du canton, pour la plupart, étaient tisserands ; d’autres travaillaient dans les manufactures d’indiennes ou à une fabrique de papiers, nouvellement établie.

Gorju les fascinait par son bagout, leur apprenait