Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/204

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en sueur, dépenaillés. Ils emplissaient la place. Un grand brouhaha s’élevait.

Gorju et deux de ses compagnons entrèrent dans la salle. L’un était maigre et à figure chafouine, avec un gilet de tricot, dont les rosettes pendaient. L’autre, noir de charbon, un mécanicien sans doute, avait les cheveux en brosse, de gros sourcils, et des savates de lisière. Gorju, comme un hussard, portait sa veste sur l’épaule.

Tous les trois restaient debout, et les conseillers, siégeant autour de la table couverte d’un tapis bleu, les regardaient blêmes d’angoisse.

— Citoyens ! dit Gorju, il nous faut de l’ouvrage !

Le maire tremblait ; la voix lui manqua.

Marescot répondit à sa place que le conseil aviserait immédiatement ; et, les compagnons étant sortis, on discuta plusieurs idées.

La première fut de tirer du caillou.

Pour utiliser les cailloux, Girbal proposa un chemin d’Angleville à Tournebu.

Celui de Bayeux rendait absolument le même service.

On pouvait curer la mare ! ce n’était pas un travail suffisant ; ou bien creuser une seconde mare ! mais à quelle place ?

Langlois était d’avis de faire un remblai le long des Mortins, en cas d’inondation ; mieux valait, selon Beljambe, défricher les bruyères. Impossible de rien conclure ! … Pour calmer la foule, Coulon descendit sur le péristyle, et annonça qu’ils préparaient des ateliers de charité.

— La charité ? Merci ! s’écria Gorju. À bas les aristos ! Nous voulons le droit au travail !