Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/221

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Ils absorbaient des liqueurs, et la cendre des cigares tombait dans les capitons des meubles. L’abbé, voulant convaincre Girbal, attaqua Voltaire. Coulon s’endormit. M. de Faverges déclara son dévouement pour Chambord.

— Les abeilles prouvent la monarchie.

— Mais les fourmilières, la République !

Du reste, le médecin n’y tenait plus.

— Vous avez raison ! dit le sous-préfet. La forme du gouvernement importe peu !

— Avec la liberté ! objecta Pécuchet.

— Un honnête homme n’en a pas besoin, répliqua Foureau. Je ne fais pas de discours, moi ! Je ne suis pas journaliste ! et je vous soutiens que la France veut être gouvernée par un bras de fer !

Tous réclamaient un sauveur.

Et en sortant, Bouvard et Pécuchet entendirent M. de Faverges qui disait à l’abbé Jeufroy :

— Il faut rétablir l’obéissance. L’autorité se meurt si on la discute ! Le droit divin, il n’y a que ça !

— Parfaitement, Monsieur le comte !

Les pâles rayons d’un soleil d’octobre s’allongeaient derrière les bois, un vent humide soufflait ; et en marchant sur les feuilles mortes, ils respiraient comme délivrés.

Tout ce qu’ils n’avaient pu dire s’échappa en exclamations !

— Quels idiots ! quelle bassesse ! Comment imaginer tant d’entêtement ! D’abord que signifie le droit divin ?

L’ami de Dumouchel, ce professeur qui les avait éclairés sur l’esthétique, répondit à leur question dans une lettre savante.