Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/255

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L’addigitation nasale ne réussit point avec les autres, et pour amener le somnambulisme, ils projetèrent de construire un baquet mesmérien. Déjà même Pécuchet avait recueilli de la limaille et nettoyé une vingtaine de bouteilles, quand un scrupule l’arrêta. Parmi les malades, il viendrait des personnes du sexe.

— Et que ferons-nous s’il leur prend des accès d’érotisme furieux ?

Cela n’eût pas arrêté Bouvard ; mais à cause des potins et du chantage peut-être, mieux valait s’abstenir. Ils se contentèrent d’un harmonica et le portaient avec eux dans les maisons, ce qui réjouissait les enfants.

Un jour que Migraine était plus mal, ils y recoururent. Les sons cristallins l’exaspérèrent ; mais Deleuze ordonne de ne pas s’effrayer des plaintes ; la musique continua.

— Assez ! assez ! criait-il.

Un peu de patience, répétait Bouvard.

Pécuchet tapotait plus vite sur les lames de verre, et l’instrument vibrait, et le pauvre homme hurlait, quand le médecin parut attiré par le vacarme :

— Comment, encore vous ? s’écria-t-il, furieux de les retrouver toujours chez ses clients.

Ils expliquèrent leur moyen magnétique. Alors il tonna contre le magnétisme, un tas de jongleries, et dont les effets proviennent de l’imagination.

Cependant on magnétise des animaux, Montacabère l’affirme, et M. Fontaine est parvenu à magnétiser une lionne. Ils n’avaient pas de lionne, mais le hasard leur offrit une autre bête.