Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/258

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en soutanelle de lasting avec une calotte de cuir, s’abandonnait à des frissons occasionnés par sa douleur intercostale ; Migraine, souffrant toujours de l’estomac, grimaçait près de lui ; la mère Varin, pour cacher sa tumeur, portait un châle à plusieurs tours ; le père Lemoine, pieds nus dans des savates, avait ses béquilles sous les jarrets, et la Barbée, en costume des dimanches, était pâle extraordinairement.

De l’autre côté de l’arbre, on trouva d’autres personnes : une femme à figure d’albinos épongeait les glandes suppurantes de son cou ; le visage d’une petite fille disparaissait à moitié sous des lunettes bleues ; un vieillard, dont une contracture déformait l’échine, heurtait de ses mouvements involontaires Marcel, une espèce d’idiot, couvert d’une blouse en loques et d’un pantalon rapiécé. Son bec-de-lièvre, mal recousu, laissait voir ses incisives, et des linges embobelinaient sa joue, tuméfiée par une énorme fluxion.

Tous tenaient à la main une ficelle descendant de l’arbre, et des oiseaux chantaient ; l’odeur du gazon attiédi se roulait dans l’air. Le soleil passait entre les branches. On marchait sur de la mousse.

Cependant les sujets, au lieu de dormir, écarquillaient leurs paupières.

— Jusqu’à présent, ce n’est pas drôle, dit Foureau. Commencez, je m’éloigne une minute.

Et il revint, en fumant dans un Abd-el-Kader, reste dernier de la porte aux pipes.

Pécuchet se rappela un excellent moyen de magnétisation. Il mit dans sa bouche tous les nez des malades et aspira leur haleine pour tirer à lui