Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/271

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était-ce l’ancienne, ou la nouvelle ? Ce devait être l’ancienne !

Ils rebroussèrent chemin, et parcoururent les alentours, au hasard, le tracé de la vieille route n’étant pas facile à reconnaître.

Marcel courait de droite et de gauche, comme un épagneul en chasse. Toutes les cinq minutes, Bouvard était contraint de le rappeler ; Pécuchet avançait pas à pas, tenant la baguette par les deux branches, la pointe en haut. Souvent il lui semblait qu’une force, et comme un crampon, la tirait vers le sol, et Marcel bien vite faisait une entaille aux arbres voisins pour retrouver la place plus tard.

Pécuchet cependant se ralentissait. Sa bouche s’ouvrit, ses prunelles se convulsèrent. Bouvard l’interpella, le secoua par les épaules ; il ne remua pas et demeurait inerte, absolument comme la Barbée.

Puis il conta qu’il avait senti autour du cœur une sorte de déchirement, état bizarre, provenant de la baguette, sans doute ; et il ne voulait plus y toucher.

Le lendemain, ils revinrent devant les marques faites aux arbres. Marcel avec une bêche creusait des trous ; jamais la fouille n’amenait rien, et ils étaient chaque fois extrêmement penauds. Pécuchet s’assit au bord d’un fossé ; et comme il rêvait, la tête levée, s’efforçant d’entendre la voix des esprits par sa trompe aromale, se demandant même s’il en avait une, il fixa ses regards sur la visière de sa casquette ; l’extase de la veille le reprit. Elle dura longtemps, devenait effrayante.

Au-dessus des avoines, dans un sentier, un