Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/334

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humaine prise aux catacombes, et qui s’emploie dans les cas désespérés en mouches ou en pilules. Elle en promit à Pécuchet.

Il parut choqué d’un tel matérialisme.

Le soir, un valet du château lui apporta une hottée d’opuscules, relatant des paroles pieuses du grand Napoléon, des bons mots du curé dans les auberges, des morts effrayantes advenues à des impies. Mme de Noares savait tout cela par cœur, avec une infinité de miracles.

Elle en contait de stupides, des miracles sans but, comme si Dieu les eût faits pour ébahir le monde. Sa grand’mère à elle-même avait serré dans une armoire des pruneaux couverts d’un linge, et quand on ouvrit l’armoire un an plus tard, on en vit treize sur la nappe, formant la croix.

— Expliquez-moi cela.

C’était son mot après ses histoires, qu’elle soutenait avec un entêtement de bourrique, bonne femme, d’ailleurs, et d’humeur enjouée.

Une fois pourtant « elle sortit de son caractère ». Bouvard lui contestait le miracle de Pezilla : un compotier où l’on avait caché des hosties pendant la Révolution, se dora de lui-même tout seul.

— Peut-être y avait-il au fond un peu de couleur jaune provenant de l’humidité ?

— Mais non ! je vous répète que non ! La dorure a pour cause le contact de l’Eucharistie.

Et elle donna en preuve l’attestation des évêques.

— C’est, disent-ils, comme un bouclier, un… un palladium sur le diocèse de Perpignan. Demandez plutôt à M. Jeufroy !

Bouvard n’y tint plus, et ayant repassé son Louis Hervieu, emmena Pécuchet.