Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/341

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où se dressaient de grands quartiers de roches. Elle faisait des plaques d’or sous le soleil couchant. En face, les verdures des collines se couvraient d’ombre. Un air vif soufflait.

Des lapins sortirent de leurs terriers et broutaient le gazon.

Un coup de feu partit, un deuxième, un autre, et les lapins sautaient, déboulaient. Victor se jetait dessus pour les saisir et haletait, trempé de sueur.

— Tu arranges bien tes nippes ! dit le baron.

Sa blouse, en loques, avait du sang.

La vue du sang répugnait à Bouvard. Il n’admettait pas qu’on en pût verser.

M. Jeufroy reprit :

— Les circonstances quelquefois l’exigent. Si ce n’est pas le coupable qui donne le sien, il faut celui d’un autre, vérité que nous enseigne la Rédemption.

Suivant Bouvard, elle n’avait guère servi, presque tous les hommes étant damnés, malgré le sacrifice de Notre-Seigneur.

— Mais quotidiennement il le renouvelle dans l’Eucharistie.

— Et le miracle, dit Pécuchet, se fait avec des mots, quelle que soit l’indignité du prêtre.

— Là est le mystère, monsieur.

Cependant Victor clouait ses yeux sur le fusil, tâchait même d’y toucher.

— À bas les pattes !

Et M. de Mahurot prit un sentier sous bois.

L’ecclésiastique avait Pécuchet d’un côté, Bouvard de l’autre, et il lui dit :

— Attention, vous savez Debetur pueris.