Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/345

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— Cependant, monsieur, la morale de l’Évangile ?

— Eh ! eh ! pas si morale ! Les ouvriers de la dernière heure sont autant payés que ceux de la première. On donne à celui qui possède, et on retire à celui qui n’a pas. Quant au précepte de recevoir des soufflets sans les rendre et de se laisser voler, il encourage les audacieux, les lâches et les coquins.

Le scandale redoubla, quand Pécuchet eut déclaré qu’il aimait autant le Bouddhisme.

Le prêtre éclata de rire :

— Ah ! ah ! ah ! le Bouddhisme !

Mme de Noares leva les bras :

— Le Bouddhisme !

— Comment…, le Bouddhisme ! répétait le comte.

— Le connaissez-vous ? dit Pécuchet à M. Jeufroy, qui s’embrouilla.

— Eh bien, sachez-le ! mieux que le christianisme, et avant lui, il a reconnu le néant des choses terrestres. Ses pratiques sont austères, ses fidèles plus nombreux que tous les chrétiens, et pour l’incarnation, Vischnou n’en a pas une, mais neuf ! Ainsi, jugez !

— Des mensonges de voyageurs, dit Mme de Noares.

— Soutenus par les francs-maçons, ajouta le curé.

Et tous parlant à la fois :

— Allez donc, continuez !

— Fort joli !

— Moi, je le trouve drôle !

— Pas possible !