Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/362

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charbon pour marquer l’équateur. Après quoi, il promena l’orange à l’entour d’une bougie, en faisant observer que tous les points de la surface n’étaient pas éclairés simultanément, ce qui produit la différence des climats ; et pour celle des saisons, il pencha l’orange, car la terre ne se tient pas droite, ce qui amène les équinoxes et les solstices.

Victor n’y avait rien compris. Il croyait que la terre pivote sur une longue aiguille et que l’équateur est un anneau, étreignant sa circonférence.

Au moyen d’un atlas, Pécuchet lui exposa l’Europe ; mais, ébloui par tant de lignes et de couleurs, il ne retrouvait plus les noms. Les bassins et les montagnes ne s’accordaient pas avec les royaumes, l’ordre politique embrouillait l’ordre physique. Tout cela, peut-être, s’éclaircirait en étudiant l’histoire.

Il eût été plus pratique de commencer par le village, ensuite l’arrondissement, le département, la province ; mais Chavignolles n’ayant point d’annales, il fallait bien s’en tenir à l’histoire universelle. Tant de matières l’embarrassent qu’on doit seulement en prendre les beautés.

Il y a pour la grecque : « Nous combattrons à l’ombre » ; l’envieux qui bannit Aristide, et la confiance d’Alexandre en son médecin. Pour la romaine : les oies du Capitole, le trépied de Scévola, le tonneau de Régulus. Le lit de roses de Guatimozin est considérable pour l’Amérique. Quant à la France, elle comporte le vase de Soissons, le chêne de saint Louis, la mort de Jeanne d’Arc, la poule au pot du Béarnais : on n’a que l’embarras