Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/382

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une brique, ce qu’on nomme un collet, et il avait découvert le savetier en train de l’établir.

— Vous êtes témoins, n’est-ce pas ?

Eugène baissa le menton d’une manière approbative, et le père Aubain répliqua :

— Du moment que vous le dites.

Ce qui enrageait Sorel, c’était le toupet d’avoir dressé un piège aux abords de son logement, le gredin se figurant qu’on n’aurait pas l’idée d’en soupçonner dans cet endroit.

Dauphin prit le genre pleurard :

— Je marchais dessus, je tâchais même de le casser.

On l’accusait toujours, on lui en voulait, il était bien malheureux !

Sorel, sans lui répondre, avait tiré de sa poche un calepin, une plume et de l’encre pour écrire un procès-verbal.

— Oh ! non ! dit Pécuchet.

Bouvard ajouta :

— Relâchez-le, c’est un brave homme !

— Lui, un braconnier !

— Eh bien, quand cela serait ?

Et ils se mirent à défendre le braconnage : on sait d’abord que les lapins rongent les jeunes pousses, les lièvres abîment les céréales, sauf la bécasse peut-être…

— Laissez-moi donc tranquille.

Et le garde écrivait, les dents serrées.

— Quel entêtement ! murmura Bouvard.

— Un mot de plus et je fais venir les gendarmes !

— Vous êtes un grossier personnage ! dit Pécuchet.