Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/386

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mais un désastre pour le pauvre. Moi, ça ne me fait rien !

Et il avait l’air de narguer le tribunal.

— Vraiment, dit Coulon, je m’étonne que des gens d’esprit…

— La loi vous dispense d’en avoir ! répliqua Pécuchet. Le juge de paix siège indéfiniment, tandis que le juge de la cour suprême est réputé capable jusqu’à soixante-quinze ans, et celui de première instance ne l’est plus à soixante-dix.

Mais sur un geste de Foureau, Placquevent s’avança. Ils protestèrent.

— Ah ! si vous étiez nommés au concours !

— Ou par le conseil général.

— Ou un comité de prud’hommes, d’après une liste sérieuse !

Placquevent les poussait ; et ils sortirent, hués des autres prévenus, croyant se faire bien voir au moyen de cette bassesse.

Pour épancher leur indignation, ils allèrent le soir chez Beljambe ; son café était vide, les notables ayant coutume d’en partir vers dix heures. On avait baissé le quinquet, les murs et le comptoir apparaissaient dans un brouillard ; une femme survint. C’était Mélie.

Elle ne parut pas troublée, et, en souriant, leur versa deux bocks. Pécuchet, mal à son aise, quitta vite l’établissement.

Bouvard y retourna seul, divertit quelques bourgeois par des sarcasmes contre le maire, et dès lors fréquenta l’estaminet.

Dauphin, six semaines après, fut acquitté faute de preuves. Quelle honte ! On suspectait ces