Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/404

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tembre 1875, Flaubert partit pour Concarneau. Un repos de quinze jours sur les rivages bretons sembla lui suffire ; là-bas il reprit la plume, non pour continuer Bouvard, mais pour écrire les Trois Contes. (Voir Trois Contes, notes, p. 217.)

C’est au mois de mai 1877, seulement, que Flaubert reprit, plein de courage, contact avec Bouvard et Pécuchet, et, à cette époque seulement, qu’il en acheva le premier chapitre. « Bouvard et Pécuchet m’emplissent à un tel point que je suis devenu eux ! Leur bêtise est mienne et j’en rêve… J’ai enfin terminé le premier chapitre et préparé le second, qui comprendra la chimie, la médecine et la géologie, tout cela devant tenir en 30 pages, » écrit-il à Mme  Roger des Genettes, en mai 1877 ; puis il envoie à Maupassant ce simple mot : « Jeune lubrique, voulez-vous, afin d’entendre le premier chapitre de Bouvard et Pécuchet, venir dîner vendredi à 6 h. 1/2 chez votre G. F. ? » (Inédit.)

Au mois de septembre, Flaubert entreprend une série d’excursions, dont deux en compagnie de M. Laporte, au pays de ses deux bonshommes. « Ah ! mon pauvre vieux, quel plaisir je me promets de ce petit voyage ! Je vous préviens que je le ferai durer le plus longtemps possible. Rien ne presse d’ailleurs… Avez-vous fini le travail des notes sur l’agriculture et la médecine ? Dans ce cas-là, apportez les paperasses. » (Lettre inédite de Flaubert à Laporte, le 12 septembre 1877.) Rentré à Croiset, dispos, il compte avoir terminé le chapitre de l’archéologie et de l’histoire avant la fin de l’année, mais l’effet de son livre le préoccupe. « J’ai peur que ce soit embêtant à crever. Il me faut une rude patience, je vous en réponds, car je ne peux en être quitte avant trois ans, » écrit-il à Zola, le 5 octobre. (Voir Correspondance, IV, p. 309). Cette préoccupation devient grandissante, il en fait part plusieurs fois à Guy de Maupassant : « Bonhomme, qu’en penses-tu ? » et le 10 juillet 1878, il l’exprime, sous le coup d’une fatigue cérébrale, encore plus clairement à Mme  Roger des Genettes (voir Correspondance, IV, p. 331) : « En de certains jours, je me sens broyé par la pesanteur de cette masse, et je continue cependant, une fatigue chassant l’autre. C’est de la conception même du livre que je doute. Il n’est plus temps d’y réfléchir, tant pis ! N’importe ! je me demande souvent pourquoi passer tant d’années là-dessus, et si je n’aurais pas mieux fait d’écrire autre chose ? Mais je me réponds que je n’étais pas libre de choisir, ce qui est vrai. » Enfin, au milieu de toutes ces crises, le livre peu à peu s’achemine ; c’est encore à M. Laporte qu’en janvier 1879 il demande un document relatif au spiritisme : « Pensant que vous serez à la bibliothèque, trouvez-moi dans l’Illustration, 1853, une image représentant l’Europe s’occupant à faire tourner les tables. Comme on ne vous laissera pas emporter ce volume, vous me ferez la description dudit dessin. »