Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/72

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et les petits pois étaient pourris. Cela devait dépendre du bouchage. Alors le problème du bouchage les tourmenta. Pour essayer les méthodes nouvelles, ils manquaient d’argent. Leur ferme les rongeait.

Plusieurs fois, des tenanciers s’étaient offerts, Bouvard n’en avait pas voulu. Mais son premier garçon cultivait d’après ses ordres, avec une épargne dangereuse, si bien que les récoltes diminuaient, tout périclitait ; et ils causaient de leurs embarras, quand maître Gouy entra dans le laboratoire, escorté de sa femme qui se tenait en arrière, timidement.

Grâce à toutes les façons qu’elles avaient reçues, les terres s’étaient améliorées, et il venait pour reprendre sa ferme. Il la déprécia. Malgré tous leurs travaux, les bénéfices étaient chanceux ; bref, s’il la désirait, c’était par amour du pays et regret d’aussi bons maîtres. On le congédia d’une manière froide. Il revint le soir même.

Pécuchet avait sermonné Bouvard ; ils allaient fléchir. Gouy demanda une diminution de fermage ; et comme les autres se récriaient, il se mit à beugler plutôt qu’à parler, attestant le bon Dieu, énumérant ses peines, vantant ses mérites. Quand on le sommait de dire son prix, il baissait la tête au lieu de répondre. Alors, sa femme, assise près de la porte, avec un grand panier sur les genoux, recommençait les mêmes protestations, en piaillant d’une voix aiguë comme une poule blessée.

Enfin le bail fut arrêté aux conditions de trois mille francs par an, un tiers de moins qu’autrefois.

Séance tenante, maître Gouy proposa d’acheter le matériel, et les dialogues recommencèrent.