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est craint « comme un démon à cause de la finesse de son esprit », et l’on redoute « son regard plus tranchant que ses bistouris ». Dans sa conception pratique de la vie il forcera plus tard Gustave à faire son droit.

Flaubert est donc à la fois Normand et Champenois, descendant de nobles et courageux aventuriers et de petits bourgeois réalistes, instruits, passionnés pour les sciences naturelles.

À Rouen, le ménage Flaubert occupe un appartement dans une aile de l’Hôtel-Dieu. De la chambre de l’enfant la vue s’étend sur les jardins de l’hôpital. Si près de la souffrance humaine, le petit rêve et s’attriste avant l’âge. Cependant il a quelques distractions. Un voisin qui habite de l’autre côté de la rue, le père Mignot, lui raconte de belles histoires et lui lit Don Quichotte. Et sans parler de la chère Caroline, sa sœur cadette, il voit presque chaque jour Ernest Chevalier, Alfred et Laure Le Poittevin. Ensemble on compose des comédies que l’on joue dans une grande salle de billard attenant au salon. Dès l’âge de neuf ans, Gustave a la plume à la main ; il projette des romans et des pièces, la Belle Andalouse et le Bal masqué, l’Antiquaire ignorant et la Mort du Duc de Guise. Il rédige même, qui l’eût cru, des discours politiques et constitutionnels libéraux. La liste fort amusante de ces essais a été dressée[1].

  1. René Descharmes, Gustave Flaubert, sa vie, son caractère, ses idées avant 1857.