Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/238

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tropical qui répandait sa chaleur sur nos guérets ? »

Ensuite, il parlait de la condition des paysans. Certes, le gouvernement faisait beaucoup, mais pas assez ! « Du courage ! lui criait-il ; mille réformes sont indispensables, accomplissons-les. » Puis, abordant l’entrée du Conseiller, il n’oubliait point « l’air martial de notre milice », ni « nos plus sémillantes villageoises », ni les vieillards à tête chauve, sorte de patriarches qui étaient là, et dont quelques-uns, « débris de nos immortelles phalanges, sentaient encore battre leurs cœurs au son mâle des tambours. » Il se citait des premiers parmi les membres du jury, et même il rappelait, dans une note, que M. Homais, pharmacien, avait envoyé un Mémoire sur le cidre à la Société d’agriculture. Quand il arrivait à la distribution des récompenses, il dépeignait la joie des lauréats en traits dithyrambiques. « Le père embrassait son fils, le frère le frère, l’époux l’épouse. Plus d’un montrait avec orgueil son humble médaille, et sans doute, revenu chez lui, près de sa bonne ménagère, il l’aura suspendue en pleurant aux murs discrets de sa chaumine.

« Vers six heures, un banquet, dressé dans l’herbage de M. Liégeard, a réuni les principaux assistants de la fête. La plus grande cordialité n’a cessé d’y régner. Divers toasts ont été portés : M. Lieuvain, au monarque ! M. Tuvache, au préfet ! M. Derozerays, à l’agriculture ! M. Homais, à l’industrie et aux beaux-arts, ces deux sœurs ! M. Leplichey, aux améliorations ! Le soir, un brillant feu d’artifice a tout à coup illuminé les airs. On eût dit un véritable kaléidoscope, un vrai décor d’Opéra, et un moment notre petite