Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/359

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chambellan du roi, chevalier de l’Ordre et pareillement gouverneur de Normandie, mort le 23 juillet 1531, un dimanche, comme l’inscription porte ; et, au-dessous, cet homme prêt à descendre au tombeau vous figure exactement le même. Il n’est point possible, n’est-ce pas, de voir une plus parfaite représentation du néant ?

Mme Bovary prit son lorgnon. Léon, immobile, la regardait, n’essayant même plus de dire un seul mot, de faire un seul geste, tant il se sentait découragé devant ce double parti pris de bavardage et d’indifférence.

L’éternel guide continuait :

— Près de lui, cette femme à genoux qui pleure est son épouse, Diane de Poitiers, comtesse de Brézé, duchesse de Valentinois, née en 1499, morte en 1566 ; et, à gauche, celle qui porte un enfant, la sainte Vierge. Maintenant, tournez-vous de ce côté : voici les tombeaux d’Amboise. Ils ont été tous les deux cardinaux et archevêques de Rouen. Celui-là était ministre du roi Louis XII. Il a fait beaucoup de bien à la cathédrale. On a trouvé dans son testament trente mille écus d’or pour les pauvres.

Et, sans s’arrêter, tout en parlant, il les poussa dans une chapelle encombrée par des balustrades, en dérangea quelques-unes, et découvrit une sorte de bloc, qui pouvait bien avoir été une statue mal faite.

— Elle décorait autrefois, dit-il avec un long gémissement, la tombe de Richard Cœur de lion, roi d’Angleterre et duc de Normandie. Ce sont les calvinistes, monsieur, qui vous l’ont réduite en cet état. Ils l’avaient, par méchanceté, ensevelie dans