Page:Flaubert - Madame Bovary, Conard, 1910.djvu/480

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nisien, de temps à autre, se mouchait bruyamment, et Homais faisait grincer sa plume sur le papier.

— Allons, mon bon ami, dit-il, retirez-vous, ce spectacle vous déchire !

Charles une fois parti, le pharmacien et le curé recommencèrent leurs discussions.

— Lisez Voltaire ! disait l’un ; lisez d’Holbach, lisez l’Encyclopédie !

— Lisez les Lettres de quelques juifs portugais ! disait l’autre ; lisez la Raison du christianisme, par Nicolas, ancien magistrat !

Ils s’échauffaient, ils étaient rouges, ils parlaient à la fois sans s’écouter ; Bournisien se scandalisait d’une telle audace ; Homais s’émerveillait d’une telle bêtise ; et ils n’étaient pas loin de s’adresser des injures, quand Charles, tout à coup, reparut. Une fascination l’attirait. Il remontait continuellement l’escalier.

Il se posait en face d’elle pour la mieux voir, et il se perdait en cette contemplation, qui n’était plus douloureuse à force d’être profonde.

Il se rappelait des histoires de catalepsie, les miracles du magnétisme ; et il se disait qu’en le voulant extrêmement, il parviendrait peut-être à la ressusciter. Une fois même il se pencha vers elle, et il cria tout bas : « Emma ! Emma ! » Son haleine, fortement poussée, fit trembler la flamme des cierges contre le mur.

Au petit jour, Mme Bovary mère arriva ; Charles en l’embrassant, eut un nouveau débordement de pleurs. Elle essaya, comme avait tenté le pharmacien, de lui faire quelques observations sur les dépenses de l’enterrement. Il s’emporta si fort