Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/160

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un pied restant à terre, l’autre se levant passe devant le tibia de celui-ci, le tout dans un saut léger. J’ai vu cette danse sur des vieux vases grecs.

Bambeh affectionne la danse en ligne droite ; elle va avec un baisser et un remonter d’un seul côté de hanche, sorte de claudication rythmique d’un grand caractère. Bambeh a du henné aux mains (elle a servi de femme de chambre au Caire, dans une maison italienne, et entend quelques mots d’italien ; un peu mal aux yeux). Leur danse, du reste, sauf ce pas de Ruchiouk indiqué plus haut, ne vaut pas de beaucoup celle de Hassan el-Bibesis. L’opinion de Joseph est que toutes les belles femmes dansent mal.

Ruchiouk a pris un tarabouk. Elle a, quand elle en joue, une pose superbe : le tarabouk est sur ses genoux, plutôt sur la cuisse gauche ; le bras gauche a le coude baissé, le poignet levé, et les doigts, jouant, tombent entr’écartés sur la peau du tarabouk ; la main droite frappe et marque le rythme ; elle se renverse la tête un peu en arrière, gourmée et la taille cambrée.

Ces dames, surtout le vieux musicien, absorbent considérablement de raki. Ruchiouk danse avec mon tarbouch sur sa tête, elle nous reconduit jusqu’au bout de son quartier, et alternativement monte sur nos deux dos en faisant beaucoup de charges.

Café de ces dames. — Gourbis, avec des jours de soleil entrant par les branches et faisant des taches lumineuses sur la natte où nous sommes assis. Nous prenons une tasse. — Joie de Ruchiouk en voyant nos deux mèches et en entendant