Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/166

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Il y a là aussi à côté — c’est ici que je le vois pour la première fois — des marques de pieds faites au couteau, comme si l’on avait, avec un couteau, suivi tout le contour du pied ; ensuite on a, par des raies, figuré la séparation des doigts. C’est au coin Sud-Est que se trouvent le plus de marques de pieds. À côté d’un de ces pieds est cette inscription :

Assouan. — Samedi 9 mars. — Arrivés à Assouan à travers les rochers qui sont au milieu du fleuve ; ils sont chocolat noir, de longues fientes d’oiseaux font dessus de grandes raies blanches qui vont s’élargissant par le bas. À droite, des colonnes de sable, nues, sans rien autre chose sur elles que le bleu du ciel, cru, tranchant. L’air est très profond, la lumière tombe d’aplomb, c’est un paysage nègre.

Assouan sur la rive droite. Nous doublons l’île d’Éléphantine pour y arriver, et nous voyons des gens du pays passer le fleuve, assis dans l’eau comme des Tritons, sur des bottes de cannes ou sur des troncs de palmier, et pagayant avec une seule rame. Le corps nu et noir brille au milieu des flots, jusqu’à la ceinture. Sur le bord on défait sa chemise, on la roule en turban autour de sa tête, on y glisse le chibouk ; arrivé à la rive opposée on laisse là cet étrange bateau, on remet (ou non) sa chemise et l’on s’en va.

Sur la plage d’Assouan, quelques petites canges. Des Nubiens sont autour de marmites qui bouillent,