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NOTES DE VOYAGES.

Le lendemain, départ, route nouvelle.

Hyères. — Jardin plein d’orangers. — Ascension difficile au haut. — Terrasse de l’hôtel d’où l’on découvre la mer. Combien de pauvres poitrinaires l’ont regardée de cette place avec leurs yeux qui s’éteignaient !

Fréjus. — Vide, vide, blanc. — L’hôtelier : «  fille ! fille  ». Je suis sorti seul le soir. Un clair de lune d’une paix grave éclairait les rues abandonnées. — Chœur d’hommes chantant je ne sais pourquoi et répondant à d’autres voix dans l’intérieur d’une maison. — Un monsieur s’est avancé vers moi, me prenant pour un autre, en me parlant en provençal. — Quel calme ! Oh ! la nuit ! Je la humais comme un parfum. La nuit, l’âme ouvre ses ailes et plane en paix. J’aime la nuit, tout mon être s’y dilate comme un violon tendu dont on relâche les chevilles. Il a fallu rentrer, sans en avoir fini avec cette sensation, ne l’ayant qu’effleurée, sans l’avoir ruminée. — La porte Dorée donne sur la campagne. — Petites briques rouges, couleur de bronze et de cuivre. — Sables abandonnés et couverts de joncs. — De l’autre côté de la ville, quelques arcades interrompues d’un grand cirque ; herbe verte dessous ; l’humidité de la rosée sur l’herbe. — Mme  Jourdan. — Ce que c’est que la vie en province dans ces pays-là.

L’Estérel. — Grands arbres au relais. — Boule du gaillard au nez rouge, moustache, dans sa chaise de poste enfermé avec sa femme et ses enfants pâles. — Sa femme de chambre. — Qu’est-ce que la femme de chambre doit penser de l’infirmité de Monsieur. — Quel gaillard avec ses moustaches grises et sa toque, la main sur sa