Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/193

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trous de quelques pouces de profondeur (3 ou 4). Quel en était l’usage ? Avaient-ils une coiffure mobile, en métal, surajoutée ?

En quittant le temple, acheté deux lances. — Nous passons la nuit au milieu du Nil.

Jeudi 4 avril. — Partis à 4 heures du matin.

Vers 11 heures, nous rencontrons la cange de l’effendi que nous avions déjà vu à Wadi-Halfa et qui est le nazir d’Ibrim, chargé d’extorquer l’impôt depuis Assouan jusqu’à Wadi-Halfa (il ressemble à Schimon). Il a pris de force, par surprise, un sheik d’un village qui n’avait pas donné un sou de l’impôt exigé ; le vieillard était attaché au fond de la barque, on ne voyait que son crâne nu et noir reluisant au soleil. La cange de l’effendi nous côtoie quelque temps, puis nous accoste par l’avant ; un homme transborde à notre bord un petit mouton qui bêle : c’est un présent de l’effendi, qui n’est pas fâché d’être avec nous, en cas de rixe. Toute la journée, en effet, nous voyons des hommes et des femmes des villages révoltés nous suivre (ou mieux le suivre) sur la rive.

Il nous fait une longue visite, nous lui faisons cadeau d’une bouteille de vin de Chypre et d’une de raki. Le sheik sera reconduit à Dœrres ou, après quatre à cinq cents coups de bâton, on le laissera accroché au grand sycomore qu’il y a là, jusqu’à ce que quelqu’un réponde pour lui.

Nous causons bastonnade avec le nazir. Quand on veut faire mourir un homme, quatre ou cinq coups suffisent, on lui casse les reins et la nuque ; quand on veut seulement punir le condamné, on frappe sur les fesses : quatre à cinq cents coups, c’est l’ordinaire ; le patient en a pour