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VOYAGE EN FAMILLE.

canne, et regardant à travers la vitre de la portière. — Sur la gauche, les Adrets : c’est là d’où Robert Macaire a pris son vol vers la postérité.

Descendue des montagnes, la route suit la mer ; les oliviers deviennent énormes, on voit les premiers cactus en pleine terre.

Cannes. — Port de mer exquis, en demi-lune allongée ; voilure triangulaire, le grand mât, simple, mis de côté.

Antibes. — Hôtel de la Poste : M. Camatte et sa puissante épouse à moustaches. — Le port : fortifié ; la mer était un peu houleuse ; grand brick de Granville à l’ancre ; petite barque qui rentrait en sautant sur les flots. La Méditerranée n’est belle que calme, la sérénité lui va. — Dîner dans une grande salle au premier, où il y avait des commis voyageurs. — L’homme à la perruche malade, que je lui vis porter le lendemain sur le garde-crotte de la carriole qui le conduisait à Nice, petit, noir, barbe mal taillée, redingote marron sale, calotte noire grasse. — Pendant le dîner la perruche était sur le chambranle de la cheminée et piaulait. — Quel singulier amour !

Frontière de France au Var. — Un grand pont. Quelle différence avec la frontière espagnole de la Bidassoa, si chaude, si espagnole déjà ! Pendant le retard pour nos passeports, j’ai lu du Vincens, dans la voiture cuisante de soleil sous ses cuirs, restée dételée sur la grande route. — Petit bois ; j’ai enfin été m’y asseoir à l’ombre. — Déjeuner : on commence à parler italien ; la dame niçarde, avec sa capeline doublée de rose, menton allongé, gueule, figure laide et aimable, nous plaignait beaucoup.