Page:Flaubert - Notes de voyages, I.djvu/241

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la proue et la poupe et les séparant du crocodile il y a une rame debout, c’est-à-dire : poupe-rame debout-crocodile-rame debout-proue. En face, sur le mur de droite, se tiennent les débardeurs.

Côté droit dans le couloir : une momie peinte, fort belle, avec le phallus cassé ; elle est oblique et comme si elle tombait, elle lève les bras au ciel, elle est entourée du serpent, le tout sur fond jaune tacheté de petites taches rouges. Est-ce une mort subite ? quelque punition divine ?

Non loin, flèches jaculatoires qui ont l’air d’engendrer des serpents.

Partis de Biban-el-Molouk le dimanche 12.

Lundi 13. — Promenade à cheval, d’abord le long de la crique du Nil, qui se jette à droite du palais de France, quand on le regarde le dos tourné au fleuve. Nous passons derrière le Jardin de France, nous nous écartons beaucoup et nous tombons dans le Sud. Halte dans un jardin où il faut se baisser pour passer sous les arbres. Nous nous asseyons sur un tas de feuilles de palmier sèches, un bonhomme nous apporte une jatte de lait caillé et des petits pains chauds sur un panier plat ; le lait caillé se répand en voulant mettre la jatte d’aplomb, Maxime plante des petites branches sèches dans les caillots de lait frémissants ; ça fait un paysage de Norvège ; le lait figure la neige et les petits bâtons les peupliers sans feuilles.

Le ruisseau de Sakir coule devant nous, je suis dans mes grandes bottes en cuir de Russie, nous fumons un chibouk, nous causons.

Nous passons encore une fois par Karnac, sur la berge méridionale de la petite mare verte. J’ai envie de revoir notre petite chambre et la pierre